Le parrain des poissons

Un poisson dans le genou

Voilà un nom qui n’aurait pas déplu à certains partisans de l’absurde échevelé, et à d’autres, de la rencontre fortuite, celles et ceux qui croient à la puissance de l’imaginaire et à la force créative des chocs imprévus. Un collectif de photographes : des petits poissons au « Je » bien affirmé et au « Nous » joyeux et amical, ce qui n’a jamais été incompatible avec l’art de photographier et de donner à voir de bien belles images, pleines de sens et d’émotion.

Ce n’est donc pas de menu fretin dont il s’agit : chaque membre du banc nage aussi pour lui, vite, sans concession, et parfois dans les eaux profondes et difficiles des abîmes intimes où se pêchent les grandes trouvailles artistiques : portraits aux effacements inquiétants, nus tatoués aux frontières de l’érotisme et de l’anthropologie, nocturnes envoûtants, quotidiens à la poétique âpre et juste, métamorphoses des corps et des visages, mythe de chez nous et d’ailleurs  quand la bête sort du bois ou de l’âme humaine…

Mais, parfois, un simple appel du vent, une ride de surface suffit à rassembler la petite troupe ; la remontée collective se fait alors très vite, à la manière des poissons volants ; ainsi, des minuscules bulles jointes les unes aux autres naît l’appel d’air du projet commun : une exposition, une résidence, un film, et, toujours, le plaisir partagé d’être ensemble. Et dans la magie de l’art, s’il vous plaît : un seul poisson dans la vague haute de la photographie, une seule pièce, mais la meilleure et la mieux éclairée de toutes. Et le « Je  » et le « Nous » enfin rassemblés : le genou.

Vous savez, cette partie du corps qui touche terre, quand il s’agit de remercier vraiment celles et ceux qui vous réjouissent et nous enchantent le regard.

Jean-Luc ARIBAUD